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Savoir pour Pouvoir Agir.
27 mai 2019

Exposition « Paris romantique 1815 - 1848 » - Petit Palais & Musée de la vie romantique.

 

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« À nous deux maintenant ! »

Comment ne pas songer à Rastignac tandis qu’on pénètre dans cette exposition foisonnante ? Elle a l’ambition du personnage : maîtriser le Paris de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Celui qualifié de romantique mais qu’il serait plus simple de dire éclectique tant les styles les plus divers y ont prospéré. Néogothique, néorenaissance, néorocaille, anglomanie, orientalismes… aussi nombreux que les désordres du temps. Entre 1815 et la IIe République, outre les 1 500 barricades de 1830 et les 4 000 de 1848, des attentats ou des émeutes ont lieu presque chaque année.

Heureusement, une carte est affichée à l’entrée, plan de la capitale qui organise ce qui suit. Soit une visite par l’objet de hauts lieux, tantôt intimes tantôt publics ou les deux, de quartiers chics et de quartiers chauds. On croit ce circuit rebattu par des années de tourisme mais, clairement commenté et fastueusement évoqué ici, il retrouve beauté et originalité. Départ depuis le centre du pouvoir, le palais des Tuileries, incendié en 1871. Crochet par le Palais-Royal et visite du très couru Salon au Louvre. Ensuite station au pied de la cathédrale de Victor Hugo, prolongation jusqu’à l’ex-Bastille et les agitations républicaines, zigzag dans les chambrettes du Quartier latin, les ateliers de la Nouvelle-Athènes, les hôtels particuliers des banquiers mécènes de la Chaussée-d’Antin. Enfin, terminus sur les Grands Boulevards des théâtres. Voilà, littéralement, une tournée de grands-ducs !

Tout commence par du sang et des larmes. 1815-1818 : les coalisés occupent le territoire. Des cosaques du Don bivouaquent aux abords des Champs-Élysées. Ils fêtent leur victoire et entendent boire vite. « Bistro ! » : le mot est né. Il résonne de Montparnasse à la butte Montmartre qui, dans un beau panorama de George Arnald, est encore campagnarde.

Le retour des Bourbons ne fait pas consensus. Paris n’est plus au centre de l’échiquier politique européen depuis Waterloo. « Mais la cité demeure capitale des arts. Sa force d’attractivité est exceptionnelle. Heine, Liszt, Meyerbeer, Chopin, Verdi, Wagner y trouvent refuge ou y tentent leur chance », commente Christophe Leribault. Ce magnétisme, le directeur du Petit Palais et commissaire principal le fait bien ressentir. Non seulement par la peinture et la sculpture mais encore par la littérature, l’architecture, l’opéra, le théâtre, la musique, la danse, les fêtes, la mode, les arts décoratifs, la lithographie nouvelle et la photographie balbutiante.

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Accrochés à touche-touche 

Aux Tuileries, la duchesse de Berry ressuscite la cour des Valois lors de ses bals. Son portrait en pied est là comme quelques-uns de ses meubles. Ferdinand Philippe, le prince héritier mort dans un accident en 1842, prise, lui, les XVIIe et XVIIIe siècles les plus chargés comme l’indique par exemple ce meuble de Bellangé en ébène, écaille de tortue, cuivre, argent blanc, dorures et marbre griotte. Marie d’Orléans se passionne pour le Moyen Âge. Le duc de Nemours mêle pour sa part Boulle et Orient dans d’autres débauches de masques, entrelacs, putti et nymphes.

Soudain, le Louvre. Dans l’espace central, sur fond rouge pompéien, est proposée une synthèse des salons de peinture et de sculpture de l’époque en une cinquantaine d’œuvres. Portraits, paysages, scènes de genre, d’histoire, images religieuses ou exotiques : tous les genres sont là, accrochés à touche-touche. Delacroix s’y taille la part du lion. Les noms connus alternent avec d’autres qui l’étaient moins ou qui sont aujourd’hui négligés. Au centre Barye, Duseigneur (Roland furieux) ou Auguste Préault (impressionnant bas-relief en bronze intitulé Tuerie) cultivent pareillement érotisme et sauvagerie, passion du passé et de l’ailleurs, de l’actualité et d’un avenir où le rôle du progrès est questionné. Dans une tempête sublime, un Théodore Gudin fait sauver un voilier par un vapeur. Dans une huile, Alexandre-Marie Colin imagine l’indolente Sara des Orientales se balançant nue dans un hamac…

Voici aussi Frollo, l’archidiacre tourmenté par le sexe. Soit un monde médiéval noir et merveilleux qui a stimulé la mode proto- « heroic fantasy » abordée dans cette section. Il est surtout dominé par Notre-Dame, encore sans sa flèche dans les aquarelles et objets la représentant. Par la seule force de son roman, Hugo a tiré l’édifice de son coma, le nationalisant symboliquement, forgeant à travers son exemple, avec Lenoir et Mérimée, l’idée moderne de patrimoine. Il fallait ce croyant qui refusait toutes les églises pour que la société comprenne qu’elle avait sous le nez un trésor.

C’est en effet de là que sortent les foules modernes rencontrées dans les dernières salles. Placées sous l’égide du plâtre du Génie de la Liberté (le bronze couronne la colonne de Juillet place de la Bastille), elles critiquent la chapelle expiatoire bâtie en souvenir de Marie-Antoinette et Louis XVI. Elles commentent l’Arc de triomphe et la Madeleine dont les chantiers s’achèvent.

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Une férocité jouissive 

Quartier latin, parmi les grisettes et les Savoyards, une bohème en lutte contre la censure vibrionne. Le jour, ces rapins et poètes peaufinent leur mélancolie dans leur antre encombré d’un bric-à-brac d’antiquités. La nuit, ils dansent la mazurka, la polka ou le cancan naissant. Philipon et Daumier exagèrent leurs traits et leurs comportements avec une férocité jouissive. 1830 : le blanc des Drapeaux, huile de Léon Gogniet, s’ensanglante dans le bleu du ciel. Il y a déjà eu une bataille gagnée, Hernani. Le gilet de Gautier était rouge et les cheveux se portaient longs. Moins tout de même que ceux de Liszt dans le portrait-charge en terre cuite de Jean-Pierre Dantan. Le manuscrit autographe de la Symphonie fantastique d’un Berlioz à la chevelure également épatante se trouve ouvert à côté de celui du drame qui a atomisé le théâtre classique.

Dans une aile vieil or prise aux collections permanentes, les Grands Boulevards s’étendent avec leurs musiciens, leurs auteurs (portrait de Dumas père) et leurs acteurs, véritables pop stars. Ainsi, la Malibran, morte à 28 ans d’une chute de cheval. On finit avec le bureau de Louis-Philippe. Celui de l’abdication. Il est présenté fermé et avec un Daumier où Gavroche s’assoit sur le trône. Une citation de Flaubert tempère sa joie. Les insurgés de 1848, ces pères du printemps des peuples, croient être devenus sou­ve­rains. Ils n’ont obtenu que le suffrage universel. Et encore, très temporai­rement.

Jusqu’au 15 septembre au Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris. Un volet dédié aux salons littéraires et mondains est présenté au Musée de la vie romantique, 16 rue Chaptal (IXe).

Catalogue Paris Musées, 512 p., 49,90 €.  www.petitpalais.paris.fr

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