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Savoir pour Pouvoir Agir.
31 mai 2019

Les symboles de l’impasse européenne - Éditorial de Barbara Lefebvre in Valeurs Actuelles, 30 mai 2019.

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LES SYMBOLES DE L'IMPASSE EUROPEENNE, par Barbara Lefebvre.


En 1984, Pierre Nora commence la publication du chef-d’œuvre historiographique, Les lieux de mémoire, et ouvre le premier volume par « les symboles » à savoir le drapeau tricolore, le calendrier républicain et la Marseillaise. Ce choix ne saurait être fortuit: les emblèmes nationaux ont un rôle éminent dans l’expression identitaire d’une nation - à la fois témoins historiques et incarnations matérielles du volontarisme politique national, ce dépassement de la diversité d’une population pour s’unir comme peuple au nom d’un destin commun.

Mais en octobre 2017, le président Macron décréta qu’il nous fallait rejoindre les pays signataires de la déclaration 52 du Traité de Lisbonne imposant à la nation française la reconnaissance des emblèmes officiels de l’Union Européenne.

Depuis leur création, notre drapeau comme notre hymne ont connu des histoires à éclipses. Il fallut un siècle pour qu’un double mouvement convergent les enracine: par l’effet de l’ardente pédagogie de la IIIe République, et au tournant du 20e siècle, par le ralliement des ennemis de la Gueuse (monarchistes et extrême-droite) qui s’approprient les emblèmes républicains par attachement patriotique. Ces derniers seront d’autant renforcés dans cette appropriation que la gauche va les délaisser, préférant l’internationalisme et le pacifisme au patriotisme qui l’avait pourtant fondé.

C’est entre 1970 et 2000 que nos emblèmes furent explicitement évacués de l’espace politique et intellectuel pour cause de construction européenne. Le Front national demeurant le seul parti à les revendiquer, cela servit aux autres partis de prétexte pour justifier l’abandon de ce qui devenaient des «vestiges nationalistes».

Nos symboles devaient être sacrifiés sur l’autel de la paix éternelle et la «fin de l’Histoire», au nom des droits de l’homme, socle idéologique d’une Europe sans frontière. Valéry Giscard-d’Estaing, européiste forcené, amorça cette dévaluation des emblèmes nationaux; pourquoi s’étonner que son fils spirituel, actuellement président, espère achever ce processus.

Emmanuel Macron n’a pas compris qu’il est en décalage avec les Français.

En effet, au tournant des années 2000, le drapeau tricolore comme la Marseillaise sont revenus en force après les outrages du match France-Algérie (octobre 2001), signant la sécession communautariste en marche, puis après la campagne du référendum de 2005. La droite recommença à se parer de nos symboles, puis vint la campagne en 2007 où la candidate socialiste les assuma fièrement, lui valant les reproches de son camp. Les tragédies dues au terrorisme islamiste en France ont encore renforcé le besoin d’ostentation de notre union nationale à travers nos emblèmes. C’est pourquoi la célébration du drapeau européen par le candidat puis le président Macron comme sa marche victorieuse au Louvre au son de l’hymne européen constituent des contre-sens historiques autant que politiques dont il ne paraît pas saisir la mesure.

Ceux qui conspuent le «roman national» sont «en même temps» les adorateurs du «roman européen».

Tout à leur progressisme déraciné, ils oublient que le premier revêt un sens dans lequel le peuple souverain se reconnaissait, qui correspond au long façonnement de l’histoire selon une logique d’ensemble, quand le second constitue l’impossible récit fédérateur de l’Europe maastrichtienne, cette «finalité sans fin» comme la qualifie Pierre Manent. Ce «roman européen» ne suscite aucun attachement patriotique chez les Français et ne sera jamais le socle d’une identité de substitution.

Barbara Lefebvre 

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